Si vous pensez que la vie n'est pas un long fleuve tranquille, vous allez découvrir que la mort est bien pire, surtout lorsqu'on se nomme Ronan O'Connor et qu'on est le héros de Murdered : Soul Suspect. Avec son univers mortel, sa direction artistique intrigante et son gameplay mêlant enquêtes et action, le titre d'AirTight Games avait agréablement piqué ma curiosité, mais une fois passé de l'autre côté de la barrière, le sentiment n'est plus le même...
Ronan a tout du cliché : escroc notoire, bariolé de tatouages qui retracent les évènements de sa vie, il est devenu flic après avoir rencontré sa femme, tragiquement décédée par la suite. L'enquêteur n'a manifestement pas de chance, et la vie - ou plutôt la mort - continue de lui jouer des tours puisqu'il est lui même assassiné par le suspect qu'il poursuivait. C'est d'ailleurs là que l'enfer commence vraiment pour lui, car Ronan n'ira rejoindre sa douce au Paradis que lorsqu'il aura terminé son enquête dans ce bas monde. C'est donc dans les Limbes, à mi-chemin entre le monde des morts et celui des vivants, que nous allons jouer au Cluedo.
Indices et débats
Nous vous en parlions lors de nos impressions, Murdered : Soul Suspect profite d'une excellente direction artistique, qui donne vraiment envie de plonger dans son univers. Et rien n'a changé dans la version finale puisque les personnages arrivent toujours à nous happer, malgré une VF peu reluisante (VO recommandée !), et que l'atmosphère de la ville de Salem pèse sur nos épaules, dans le bon sens du terme. Mais rapidement après le début du jeu, on comprend que le titre aura du mal à tenir ses promesses. D'abord présenté comme un jeu d'enquêtes, Murdered : Soul Suspect déçoit puisqu'il ne demande pas réellement de se servir de ses méninges pour enquêter sur les scènes de crimes. Non, il faut simplement explorer ces zones pour y collecter des indices. En fonction de l'enquête menée, il faut ensuite choisir les plus pertinents d'entre eux, dans le bon ordre, pour enfin résoudre le problème. Seul souci : choisir les mauvaises preuves n'est en rien pénalisant et on peut cliquer dessus les unes à la suite des autres jusqu'à trouver celles qui permettent de résoudre le cas... Preuve que l'échec n'est pas une option envisageable, ce qui rend ces nombreuses phases d'enquêtes peu ambitieuses, tant en termes d'intérêt que de challenge...
Fantôme fait moi peur
Je vous le disais plus haut, Ronan est perdu dans les limbes, c'est un spectre, et en tant que tel il profite de certains avantages et inconvénients. Commençons par les bonnes nouvelles : notre héros peut traverser les murs dans les bâtisses, interagir brièvement avec certains objets pour faire réagir les vivants, prendre possession des humains (ou des animaux) pour voir à travers leurs yeux, les influencer ou passer certaines zones dangereuses pour un fantôme... Les mauvaises maintenant : les murs de la ville de Salem, cité au lourd passé, sont infranchissables car consacrés, et Ronan est donc dépendant des vivants pour que les portes des bâtiments s'ouvrent. Autre souci : des démons se baladent dans la ville et tentent de dévorer les spectres errants. En résumé, nous devons donc mener des enquêtes dans le monde physique sans pouvoir interagir réellement avec lui, le tout en risquant de voir notre âme dévorée par des démons. Il va donc falloir la jouer fine, et c'est là que le bât blesse...
Tel un Ronan
D'abord, précisons que malgré son charme, la ville de Salem se résume trop souvent à des couloirs, même dans les limbes. Ensuite, les caméras du jeu sont un véritable cauchemar ! Au point qu'il est même pénible de les orienter correctement pour interagir avec un élément, physique ou non, tant elles sont capricieuses. Et si les phases d'enquête, malgré quelques subtilités, ne se résument qu'à de l'observation et de la collecte d'indices, le pire vient des séquences d'infiltration pour échapper aux démons. Là encore, la faute revient aux caméras qui, primo, ne permettent que de cibler grossièrement les âmes en peine (dans lesquelles se réfugier pour tromper ses assaillants), et secondo accroissent le danger lorsqu'on attaque un démon dans le dos pour l'éradiquer à coups de QTE bidons. Autant dire que finalement, l'addition est salée et le plaisir de jeu en pâtit énormément...
Une vraie Salem d'os
Pour autant, et c'est là que Murdered : Soul Suspect surprend, on finit par se prendre au jeu grâce à son scénario. Si le début de cette aventure de huit heures environ ne s'annonce pas forcément palpitante, l'arrivée de Joy, une adolescente (vivante) médium, capable de communiquer et surtout d'aider Ronan dans son périple, donne plus de consistance à notre enquêteur. On finit même par accrocher aux enquêtes, non pas pour leur gameplay, mais pour leur portée dans l'histoire. Du coup, c'est le scénario tout entier qui gagne en ampleur au fur et à mesure, d'autant que plusieurs scènes fortes arrivent en deuxième partie d'aventure et que certaines quêtes annexes bien ficelées finissent par intéresser. Bref, au final Murdered : Soul Suspect arrive à nous intriguer après plusieurs heures de jeu, nous permettant de passer outre ses défauts de gameplay et de progresser jusqu'au dénouement.
Est-ce que Murdered : Soul Suspect m'a donné envie de mourir ? Clairement non, mais de là à dire que son scénario parviendrait totalement, à lui seul, à nous faire oublier le cadavre de gameplay qu'il laisse derrière lui... Malgré tout, son histoire parvient finalement à piquer notre curiosité au point de nous donner envie de terminer l'aventure. Et ça, c'est le gage des jeux narrativement bien construits et bien présentés, même si dans le cas présent cela se produit bien trop tard à mon goût... Bref, il est évident que Murdered : Soul Suspect est mal fichu et qu'il ne remplit pas son contrat initial, mais il se rattrape finalement assez bien si on lui en laisse le temps !